Une comédie noire d’après Franz Kafka
Adaptée et mise en scène par Jörg Bendrat
Avec: Chantal Crost et Jörg Bendrat
Collaboration à la mise en scène: Charo Lopez
Une Académie scientifique a demandé à un ex-singe devenu homme, des informations sur la vie de son espèce, d’un point de vue intérieur. Celui-ci déclare être dans l’incapacité de fournir les renseignements demandés ; en revanche, il a des révélations (d)étonnantes à faire sur le chemin qu’il a emprunté pour devenir un être humain.
Dans cette fable écrite pendant la Grande Guerre, Franz Kafka s’interroge sur notre humanité avec un comique insoupçonné.
– Histoire du texte –
Le texte. En novembre 1917, alors que la Première Guerre mondiale bat son plein, la revue allemande Der Jude publie un récit de Franz Kafka, intitulé « Ein Bericht für eine Akademie » (« Rapport pour une Académie » ou « Communication à une Académie », selon les différents traducteurs).
Ce texte est une réponse à une demande de renseignements formulée par l’Académie sur la vie des singes. Et cette réponse est précisément une non-réponse, car, pour traverser le mur des espèces, cet ex-singe a dû abandonner jusqu’au moindre souvenir de son passé. Il peut en revanche éclaircir l’Académie sur les raisons qui l’ont amené à tenter cette traversée et sur les méthodes utilisées pour la réussir…
La Communication à une Académie fait partie du nombre restreint des textes que Kafka a publié de son vivant. Elle est conçue comme une lettre adressée par un ex-singe, devenu homme et nommé Pierre Le Rouge, à une Académie scientifique. Il en existe plusieurs traductions françaises plus ou moins connues, à commencer par celle d’Alexandre Vialatte.
Sa représentation au théâtre. Depuis la fin des années 40, la Communication à une Académie a été adaptée au théâtre à plusieurs reprises. C’est le comédien allemand Klaus Kammer qui a imposé le principe d’un personnage unique, monstre mi-homme, mi-singe, qui incarne tantôt le viol de la nature par la culture et tantôt souligne la part animale de l’être humain avec laquelle tout homme doit se concilier. En 1983, Vittorio Gassmann, grand comédien italien, semble avoir été le premier acteur connu à faire le choix de prendre Kafka au mot lorsqu’il fait dire à son personnage qu’il est devenu un homme comme les autres. Depuis, ce concept a fait son chemin et les adaptations françaises l’ont souvent adoptées. Dès 1982, me refusant à la théâtralisation du texte à l’aide d’études zoologiques et de grands moyens de maquillage, je suis parti de cette même idée, alors novatrice, et j‘ai introduit en même temps le personnage de Mme Le Rouge.
– Une satire politique –
Ce conte a donné lieu aux interprétations les plus diverses. Selon certains, il s’agit d’une allégorie de l’assimilation, considérée comme vaine, du Juif à son peuple hôte. D’autres y voient un plaidoyer pour la double nature de l’homme, à la fois corps et esprit, nature et culture, principes qu’il faut concilier et non pas opposer ; d’autres encore le considèrent comme un pamphlet accusant le viol de la nature par la civilisation.
À notre avis, tout comme avec Dans la colonie pénitentiaire, Franz Kafka, qui observait attentivement la vie sociale et politique, réagit avec la Communication à une Académie à la barbarie de la Grande Guerre. Ce texte serait alors une critique radicale, empreinte de l’humour noir propre à cet auteur, de la civilisation européenne. Les horreurs de la guerre des tranchées révèlent que la culture ancienne et affinée des grandes nations européennes n’est qu’une mince couche de vernis sous laquelle se cache une cruauté d’autant plus terrible qu’elle est considérée comme justifiée et qu’elle s’exerce contre les plus faibles (en l’occurrence, un animal).
– Notes sur la mise en scène –
La mise en scène révèle un monde étrange, où l’on voit évoluer deux personnages d’apparence humaine, mais un peu décalés par rapport au monde des hommes. L’un parle, l’autre est muet. De plus, grâce à une astuce relevant du “ théâtre invisible ”, les limites qui séparent la réalité quotidienne du public (en l’occurrence, celle d’une soirée de théâtre) de celle des personnages sur scène sont légèrement confondues, pour mieux entraîner les spectateurs dans le monde de Kafka.
Le comique du spectacle relève d’abord du texte. S’il est tout à fait possible d’en faire une lecture tragique, son ironie est suffisamment évidente pour être mise en valeur sans astuces particulières au niveau de la mise en scène.
Pour donner une forme théâtrale au rôle primordial que joue l’alcool dans la métamorphose du singe en homme, nous avons choisi de présenter Pierre Le Rouge comme un personnage devenu alcoolique. De plus, comme il tente de dissimuler son alcoolisme, on peut parfois se demander si c’est le personnage ou alors… le comédien qui se saoule sur scène. Les spectateurs, en essayant de faire la part entre ce qui relève du théâtre ou de la réalité, entrent encore plus dans le monde étrange de Kafka.
Il y a trois personnages : Pierre Le Rouge, ex-singe et intervenant invité par une académie scientifique, Mme Le Rouge, « une petite chimpanzée à demi éduquée» qui l’accompagne dans ses déplacements, et l’académie scientifique, représentée par l’ensemble des spectateurs.
– L’équipe artistique –
Adaptation d’après Franz Kafka: Jörg Bendrat
Mise en scène: Jörg Bendrat
Collaboration à la mise en scène: Charo Lopez
Avec
Pierre Le Rouge, artiste de cabaret: Jörg Bendrat
Mme Le Rouge, son épouse: Chantal Crost
– Fiche technique –
Le spectacle peut être présenté dans un théâtre (sans décor, devant un fond de scène noir ou neutre) ou dans une salle de conférence de tout genre (en utilisant les équipements présents : pupitre, table, chaise, microphone…). Seule condition, le passage de la salle à la scène doit être facile.